Il y a un an François Carlier, dirigeant de l’entreprise CMP située à Creil en Picardie a eu besoin de recruter un responsable d’atelier. Face aux difficultés rencontrées pour trouver la personne adéquate, il a choisi de faire confiance à Pauline Martin, 23 ans, elle-même à la recherche d’une entreprise pour sa dernière année de formation d’ingénieur en alternance. Pauline a été embauchée en CDI à l’issue de sa formation dans l’entreprise. Regards croisés sur ce double défi relevé avec brio tant par l’entreprise que par la jeune femme.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que CMP ?
François Carlier : CMP est une PME d’une trentaine de collaborateurs, spécialisée dans la mécanique de précision qui existe depuis 32 ans. Nous travaillons pour différents secteurs d’activité (aéronautique, ferroviaire etc.) sur lesquels nous avons la volonté de nous développer davantage. Lorsque j’ai repris l’entreprise il y a un an et demi, j’ai souhaité insuffler une nouvelle dynamique en termes de ressources humaines avec l’objectif de mettre en place un management et une organisation qui responsabilisent chacun des services.
Pauline Martin : Après un Bac scientifique à Beauvais, je me suis orientée vers l’industrie grâce à des recherches personnelles et une visite au Salon de l’Etudiant. Sur place, j’ai rencontré le Pôle formation UIMM Picardie : je voulais faire un BTS Assistance Technique d’ingénieur pour ensuite rentrer à l’ITII. Pendant mon alternance, j’ai intégré différentes entreprises ce qui m’a permis de découvrir le métier de l’usinage. Cela m’a passionnée : retranscrire le besoin d’un client sur un dessin et ensuite produire une pièce plus au moins complexe et technique en partant d’une matière brute
Pauline Martin et François Carlier
Quel était votre besoin de recrutement ? Comment avez-vous choisi d’y répondre ?
François Carlier : Quand j’ai racheté la société, le poste de responsable d’atelier était occupé par un collaborateur qui avait envie d’évoluer vers un autre poste. Il est aujourd’hui responsable technique et méthodes. J’avais donc besoin de recruter mais les candidatures internes et externes n’ont pas porté leurs fruits. Par le biais de mon réseau, j’ai reçu le CV de Pauline que j’ai pu rencontrer. Au bout de 10 minutes d’entretien, je savais ce que j’allais lui proposer ! Elle était jeune et peu expérimentée mais sa posture, son savoir être et son ambition m’ont convaincu qu’elle pouvait être la femme de la situation ! Je lui ai exposé ma problématique : je lui ai proposé de l’intégrer comme apprentie et de lui donner la possibilité pendant son alternance d’occuper le poste de responsable d’atelier et d’être à la tête d’une équipe de 20 personnes.
Pauline, comment avez-vous accueilli cette proposition ?
Pauline Martin : Sur le coup, cela m’a fait presque peur ! Mon but, c’était bien de travailler dans la direction de production mais je ne m’attendais pas à recevoir à ce moment-là, une proposition de ce type. J’estimais ne pas avoir l’expérience requise pour le poste. J’ai eu besoin d’y réfléchir car cela coïncidait pour moi à une période de remise en question. J’avais une perte de confiance en moi, j’avais ressenti une certaine difficulté à être une femme dans mes précédentes expériences : avoir des responsabilités, donner mes idées… Quand j’ai rappelé CMP pour accepter, j’étais prête à relever ce défi et je savais quel risque je prenais sachant que j’avais une autre proposition dans une autre entreprise, avec un cadre plus «strict» et des missions beaucoup moins diversifiées.
François Carlier : C’est vrai que, dans le monde de l’usinage, il est rare d’avoir des jeunes femmes à la responsabilité de l’atelier et a fortiori peu expérimentée. Aujourd’hui, Pauline est responsable d’atelier mais pas responsable de production. Son rôle est clair : Pauline est responsable de la planification, de l’animation et du management de l’atelier. Elle encadre des collaborateurs techniquement plus expérimentées qu’elle mais l’enjeu de son poste ne requiert pas qu’elle soit une experte de l’usinage pour le moment. Cela fonctionne très bien et en parallèle, Pauline peut continuer à monter en compétences sur le plan technique.
Quels sont les avantages à recruter en alternance et à choisir cette voie pour se former ?
François Carlier : Dans des métiers comme les nôtres, il n’y a pas de secret nous avons besoin d’avoir recours à l’alternance. Il faut réussir à avoir une mixité dans les équipes entre des collaborateurs qui sont là depuis longtemps, des personnes qui viennent d’ailleurs et des jeunes que l’on va pouvoir former à nos méthodes de travail. La personnalité et le savoir-être sont très importants dans un recrutement.
Pauline Martin : Pour moi l’alternance, c’était logique, c’était la façon dont je voyais mes études. Ce qui m’intéressait : avoir ma première expérience professionnelle et être sûre de mon choix car je rentrais tout de suite dans le monde que j’avais choisi. J’ai su en quelques mois que cela me plaisait.
Quel message donner aux chefs d’entreprise qui hésitent à s’investir dans l’alternance ?
François Carlier Il faut que cela s’intègre à une politique ressources humaines. Pour cela, il faut avoir une bonne vision de son entreprise et être convaincu que l’alternance est une solution au maintien en place des compétences. il faut apprendre à faire confiance et à intégrer des jeunes en alternance. Ce n’est pas simple car souvent, dans une PME, un alternant se voit rapidement confier des missions comme n’importe quel autre collaborateur avec un tutorat, un accompagnement souvent « allégés ». A l’inverse, les jeunes apprentis doivent être conscients de ce que les employeurs attendent d’eux. Ceux qui font ce choix doivent comprendre qu’il y a un contrat de travail avec des droits et des devoirs avec la nécessité d’être investi. Pauline avait déjà un discours très professionnel et impliqué, ce qui a fait toute la différence.
Quel message donner aux jeunes qui hésitent à se former en alternance ?
Pauline Martin : Il faut être sûr de soi et ne pas avoir de doutes : oser se dire que l’on va se donner les moyens pour faire sa place dans le monde industriel, et c’est encore plus vrai pour une femme !