L’érosion de la base industrielle au cours des dernières décennies, liée à l’intensification de la concurrence étrangère et à la vigueur de la demande pour les services, a été spectaculaire. Pour autant, son ampleur est moins marquée que ne le laisse penser le seul rapport de la valeur ajoutée des entreprises industrielles au PIB.
Au début des années 1980, la valeur ajoutée du secteur industriel tricolore représentait
21 % du PIB. En 2018, le ratio est tombé à 12 %, soit une chute de 9 points en l’espace de trente-huit ans. La baisse a été de l’ordre de 2 points de PIB pendant la décennie 1980 puis à nouveau de 2 points la suivante, avant que celle-ci ne s’intensifie durant les années 2000 (- 4,5 points), période qui a vu la compétitivité-coût des entreprises mise à rude épreuve en raison de l’harmonisation des Smic multiples lié au passage aux trente-cinq heures, et, les échanges internationaux s’effondrer du fait de la crise financière. Lors des huit derniers exercices, le poids de l’industrie a légèrement diminué (- 0,5 point) en liaison avec les résultats décevants de la fin de période.
Globalement, la désindustrialisation intervenue dans l’Hexagone a été de même ampleur qu’au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique, mais plus forte qu’en Italie et aux Pays-Bas et surtout qu’en Allemagne où le poids de l’industrie est resté rigoureusement stable grâce aux réformes mises en œuvre après la réunification.
Le déclin de l’industrie ne saurait être contesté, comme en témoigne la perte régulière de parts de marché à l’exportation des entreprises installées dans notre pays. Il doit cependant être nuancé.
Les gains de productivité y sont historiquement supérieurs : selon les comptes nationaux de l’Insee, la productivité par salarié français s’est accrue en moyenne de 2,9 % l’an en volume entre 1980 et 2018 dans l’industrie, en regard d’une moyenne de + 1,2 % dans l’ensemble de l’économie. En fin de période, elle s’est certes modérée en dépit de la diffusion des nouvelles technologies mais l’écart reste conséquent : + 1,4 % l’an dans l’industrie depuis 2010 contre + 0,6 % dans les services marchands par exemple. En conséquence, les entreprises du secteur manufacturier ont été en mesure de contenir leurs prix davantage que celles relevant des autres secteurs ; dit autrement, les prix relatifs de l’industrie ont diminué ces dernières décennies, de sorte que l’affaiblissement du poids de l’industrie s’explique surtout par un « effet prix » plus que par un « effet volume ».
La désindustrialisation peut être également appréciée à partir de l’évolution de l’emploi, lequel a plongé d’environ 45 % depuis 1980. Là aussi, ce résultat doit être tempéré. Il est en partie le fruit de modifications profondes du système productif, notamment du recours accru des entreprises industrielles à des prestataires pour leurs activités de support jusque-là effectuées en interne : intérim, comptabilité, ressources humaines, R&D, services juridiques, etc. Le nombre de postes externalisés par l’industrie dans les services aux entreprises en France aurait été quasiment multiplié par deux entre 1980 et 2016, passant de 370 000 à plus de 700 000. Après vingt ans de développement quasi ininterrompu, une stabilisation s’est opérée à partir du début des années 2000 suite à l’explosion de la bulle internet et à la grande récession mondiale.
Au final, une fois prise en compte l’externalisation nationale, le repli du nombre de personnes exerçant dans l’industrie se limite à 33 % en trente-six ans au lieu de 45 %. Le constat vaut pour la métallurgie où les effectifs ont cédé 38 % au lieu de 48 % : cela représente de l’ordre de 150 000 moindres destructions nettes de postes sur la période. Plus globalement, l’activité des entreprises de notre branche procure un effet d’entraînement significatif, puisqu’un emploi génèrerait plus de deux emplois dans les autres branches de l’économie (sous-traitance, services associés, etc.).