Menée depuis de nombreux mois par les industriels, France industrie et l’UIMM en tête, l’offensive contre les impôts de production a reçu cet été un soutien de poids, celui du Conseil d'analyse économique (CAE), une instance chargée d’inspirer le Premier ministre sur ses projets de réforme. Des préconisations qui ont cependant peu de chances d’être mises en œuvre dans l’immédiat.
Les deux auteurs de la note, les économistes Philippe Martin et Alain Trannoy, constatent que les impôts sur la production sont beaucoup moins mis en avant que l’impôt sur les sociétés dans le débat public sur la compétitivité des entreprises. Or ils pèsent beaucoup plus lourd que l’IS dans les comptes des entreprises : un peu plus de 72 milliards d’euros en 2016, contre 30 milliards pour l’IS. Et leur impact est beaucoup plus néfaste pour l’économie française.
D’abord, note le rapport, parce qu’en taxant les entreprises en haut du compte d’exploitation, et non sur leurs seuls bénéfices comme l’IS, les impôts sur la production augmentent le point mort des entreprises et peuvent expliquer, avec d’autres facteurs, la dégradation du secteur productif français et, en particulier, des TPE et PME. Ensuite, parce que ces impôts n'ont pas leur équivalent ailleurs en Europe : ils représentent 3,6 % de la valeur ajoutée des entreprises en France, le plus haut niveau en Europe hormis la Grèce, contre 0,5 % en Allemagne.
Aux yeux du CAE, l’impôt le plus nocif pour la compétitivité de l’industrie est la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), une taxe sur le chiffre d'affaires créée dans les années 1970 pour financer les retraites des indépendants. Avec un impôt assis sur le CA, les entreprises répercutent la taxe au moins partiellement sur leurs clients en augmentant leur prix. Résultat : chaque bien produit par une entreprise est de nouveau taxé s’il entre dans le processus de production d’une autre entreprise. La C3S agit donc à chaque étape de production comme une taxe sur la taxe. Il en résulte un « effet de cascade » amplifiant les effets nocifs de la taxe tout le long de la chaîne de production et affectant particulièrement les prix des biens en bout de chaîne.
Conscient du caractère préjudiciable de cet impôt, le précédent gouvernement avait engagé sa suppression, mais sans aller au bout, la C3S étant encore payée par les entreprises au-delà de 19 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si les PME ne sont pas touchées directement par la C3S, elles le sont indirectement, note le CAE, via l’effet de cascade quand elles achètent des biens intermédiaires à des grosses entreprises.
Exception tricolore, la C3S réussit donc le tour de force de pénaliser les exportations des biens produits en France, en se répercutant sur les prix à toutes les étapes de la production, tout en encourageant l’importation de biens « non taxés » produits à l’étranger. Ce faisant, elle contribue à aggraver le déficit de notre balance commerciale.
Pour le CAE, la priorité du gouvernement doit être sa suppression définitive, qui pourrait améliorer la balance commerciale de 5 milliards d'euros. A moyen terme, il préconise également de supprimer la CVAE. Assise sur la valeur ajoutée, cette taxe est moins toxique pour l’activité mais elle pénalise les entreprises affichant de forts amortissements, donc avec de gros besoin d’investissements.
Les propositions du CAE risquent néanmoins de rester lettre morte, le gouvernement ayant officiellement fermé la porte à de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises, faute de marges budgétaires.