« Les jeunes filles ont tout autant leur place dans l’industrie qu’aux WorldSkills »

Enseignante en filière professionnelle depuis plus de 20 ans, Agnès Reinhard est également experte métier EuroSkills en fraisage et chef d’atelier adjointe pour la prochaine compétition mondiale à Lyon en septembre 2024 pour le tournage. Des expériences complémentaires permettant de souligner l’importance de ces compétitions pour ceux qui y concourent, pour ses élèves et ceux qui se destinent à emprunter cette voie.

Quel lien faites-vous entre votre profession d’enseignante en usinage et votre rôle d’experte métier EuroSkills ?

En tant qu’enseignante depuis près de 20 ans, je constate que la voie professionnelle reste encore trop souvent une orientation subie. Une bonne part de mon travail consiste à redonner confiance aux jeunes qui sont dans mes classes. Il faut les convaincre qu’ils ont du potentiel. Qu’ils sont capables de faire beaucoup de choses avec leurs mains mais aussi avec leur tête. Les WorldSkills, EuroSkills… et tout ce qu’il y a autour notamment de WorldSkills, La Série, à laquelle j’ai d’ailleurs participé, y concourent en parlant positivement de ces métiers.

Ces évènements nous permettent d’observer où les autres pays se situent dans la formation professionnelle, et la place qu’ils accordent aux différents métiers en compétition dans leur société. C’est particulièrement révélateur au sein du pôle industrie.

Selon vous, quelles sont les compétences clés pour devenir un bon compétiteur ?

J’observe que ceux qui obtiennent les meilleurs résultats ne sont pas forcément des compétiteurs dans l’âme. Ce sont plutôt des personnes calmes, posées, réfléchies. Ces compétions demandent un engagement intense, long et une certaine capacité à gérer la pression. Elles se gagnent tout autant, voire plus, sur un plan humain que technique.

Il ne faut pas oublier que l’aventure humaine est beaucoup plus importante que le résultat.

En tant qu’experts, comment préparez-vous l’aspect mental ?

Nous suivons chaque année une préparation spécifique sur cet aspect avec des préparateurs dédiés comme Joël Abati et Patrick Bourbon qui nous donnent des outils pratiques. Ils concernent à la fois notre personnalité et celle des jeunes que nous accompagnons. C’est très utile pour se comprendre et donner aux jeunes que nous suivons, une préparation sur-mesure et adaptée.

Cette année, aucune jeune femme n’est présente dans le pôle industrie de l’équipe de France des métiers…

C’est une problématique commune à l’ensemble des pays. Je me souviens d’une compétitrice japonaise venue s’entraîner lors d’une finale nationale. Si elle avait été dans la compétition, elle l’aurait remportée haut la main. Ce n’est pas un problème de compétence, s’il fallait encore le rappeler. C’est un sujet socio-culturel qui se traduit encore dans la société et que nous rencontrons dans nos établissements scolaires.

Que dîtes-vous aux jeunes filles que vous rencontrez lors des portes ouvertes ou salon de l’orientation ?

Je leur dis qu’il y a de la place pour elles aux WorldSkills et plus largement dans l’industrie. Elles ont même des compétences très recherchées par les entreprises et elles y sont très bien accueillies. J’explique que les métiers ont fortement évolué et que ce ne sont plus des métiers physiques. Je leur montre qu’avec un gabarit comme le mien d’1m55 on peut très bien réussir dans ces métiers. Toutes les jeunes filles que j’ai eues en formation ont très bien réussi.

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