Alors que la date fatidique du 29 mars 2019 approche à grand pas, le brouillard s’épaissit – dangereusement - de jours en jours sur l’avenir de la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Si le 14 novembre 2018, tout le monde se réjouissait du projet d’accord trouvé entre les deux camps et que la perspective d’un « hard Brexit » (comprenez une sortie sans accord) semblait s’éloigner, deux mois plus tard, le pessimisme est de mise. Mais que va-t-il donc se passer le 30 mars à 0h01 si le projet d’accord n’est pas ratifié par le Parlement britannique? Hypothèse qui n’est toujours pas exclue à ce stade. A moins de deux mois de la sortie du Royaume-Uni, bien malin celui qui peut répondre à la question ou plutôt aux questions qui restent aujourd’hui nombreuses pour nos entreprises.
Pourtant s’il y a bien une seule chose sur laquelle les britanniques semblent être d’accord, au-delà des très nombreux désaccords qui secouent leur classe politique, c’est qu’une sortie sans accord serait absolument catastrophique pour le pays et qu’il convient donc de l’éviter. C’est pourquoi le 29 janvier dernier, après avoir rejeté le projet d’accord présenté par Theresa May – le seul possible d’après tous les observateurs européens – ils ont donné mandat au Premier Ministre pour qu’elle reparte à Bruxelles et tente d’arracher aux européens les modifications nécessaires à une acceptation du texte actuellement sur la table. Quelles modifications me direz-vous ? Et c’est là que le bât blesse. Personne ne sait si ce n’est qu’elles doivent porter sur la frontière irlandaise, seul point de désaccord qui subsiste depuis plusieurs mois, ou pour être honnête depuis le début des négociations.
Or, ce sujet n’avait absolument pas été anticipé ni par David Cameron, ni par les hommes politiques qui ont fait campagne pour le « Brexit », ni par ceux qui ont tenté de défendre le « Remain ». Bref, même lorsque les négociations ont commencé personne ne semblait véritablement se préoccuper du sort de nos amis irlandais qui pourtant aujourd’hui se retrouvent au cœur de cette crise politique majeure entre l’ile et le continent. Si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne sans accord, une frontière sera alors rétablie entre les deux Irlande, situation totalement inconcevable pour ce peuple qui a payé un cher tribut humain lors de la guerre civile qui a déchiré le pays pendant 30 ans jusqu’à l’accord de paix de 1998. Pourtant, on ne pourra pas laisser la libre circulation perdurer entre Belfast et Dublin. Ce serait donner aux britanniques, le beurre et l’argent du beurre…
Il faudrait pourtant bien sortir de cette situation inextricable si l’on veut éviter un « hard Brexit » aux conséquences désastreuses pour nos entreprises industrielles et leurs salariés. A partir du 30 mars, faudra-t-il un visa et une autorisation de travail pour les salariés britanniques qui travaillent pour nos entreprises françaises ? A priori, et sous réserve des textes définitifs, s’ils sont déjà sur le territoire français avant le « Brexit », les salariés britanniques pourraient bénéficier d’une période de grâce mais s’ils arrivent après le 30 mars, alors, oui, l’entreprise française devra lancer une procédure d’introduction de main d’œuvre comme s’ils étaient chinois ou togolais. Autant dire que cela risque de devenir rapidement cauchemardesque pour les cas de détachement, qui se comptent en dizaine de milliers par an entre la France et le Royaume-Uni. Un français qui travaille et cotise au Royaume-Uni depuis 10 ans va-t-il perdre des droits à la retraite à son retour en France ? Rien n’est sûr pour l’instant… en outre, chaque gouvernement se replie derrière la règle de la réciprocité et il faudra donc vraisemblablement attendre la toute dernière minute pour savoir si un accord est trouvé qui satisfasse les britanniques (car la balle est quand même bien dans leur camp) et nous évite de faire le grand saut vers l’inconnu et le cauchemar. Deal or no deal this is the worry !