Maxime Sanglard, lauréat du Prix UIMM de droit social 2025 pour sa thèse, a consacré ses recherches à la figure du juge prud’homal et à sa transformation contemporaine. Actuellement Attaché de justice, il observe de près la complexité des litiges individuels du travail. Il constate notamment une « gentrification » du contentieux et propose des pistes pour améliorer l’effectivité de la Juridiction prud’homale.
Vous avez consacré vos recherches à la figure du juge prud’homal. Quel est le principal enseignement que l’on doit retenir de votre thèse ?
Ma thèse porte sur « La transformation contemporaine du juge prud’homal ». L’intérêt principal de cette étude pourrait provenir de l’analyse des limites de l’adaptation des juges non-professionnels dans l’institution judiciaire.
60% des employeurs avaient recours à un avocat jusqu’en 2016, cette proportion oscille aujourd’hui autour de 93%
Vous évoquez dans votre travail une « gentrification » du contentieux prud’homal. Que signifie ce terme ?
La « gentrification » se traduit par la place prépondérante de salariés disposant d’une grande ancienneté ou d’une haute rémunération, ce dont témoigne la proportion croissante de cadres devant les prud’hommes.
Cette situation tend au durcissement des procédures et à l’accroissement de la technicité juridique des affaires. Un chiffre édifiant : 60% des employeurs avaient recours à un avocat jusqu’en 2016, cette proportion oscille aujourd’hui autour de 93%.
Quel effet cela peut-il provoquer ?
Cette concomitance avec les réformes étudiées dans ma thèse est une manifestation de la formalisation de l’instance, qui rend le concours de professionnels du droit plus décisif qu’auparavant.
Paradoxalement, cette complexification pourrait expliquer la situation où, malgré une chute significative des demandes, les délais de traitement des affaires n’ont pas été améliorés. Cela interroge l’effectivité du droit social pour les salariés disposant d’une moindre ancienneté.
Quelles propositions concrètes formulez-vous pour y remédier ?
Sans pouvoir toutes les évoquer, je propose diverses améliorations paramétriques, concernant par exemple le dispositif de formation et le droit disciplinaire à destination des conseillers prud’hommes. Il faudrait aussi, sans doute, renforcer la simplicité et l’oralité de la procédure pour les parties se présentant seules, tout en imposant la procédure écrite et la mise en état électronique lorsque les parties sont assistées ou représentées par avocats. Par ailleurs, le régime de l’Audience de Règlement Amiable (ARA) devrait inspirer une réforme de la conciliation prud’homale.
Cependant, ces pistes paraissent modestes face à l’idéal d’une transformation systémique, consistant par exemple à reconsidérer la généralisation de l’échevinage (juridiction composée de magistrats professionnels et de juges citoyens) tant en première instance qu’en appel, dans le sillage des propositions du rapport Marshall. À l’instar du modèle germanique, cette organisation de la justice du travail présenterait l’intérêt de faire davantage cohabiter des magistrats de carrière spécialisés en droit social avec des personnalités issues du monde du travail, dans l’intérêt des justiciables.
Je suis très honoré par cette distinction prestigieuse et par la reconnaissance qu’elle constitue à l’égard de mon travail. J’ai une pensée particulière pour mon directeur de thèse dont le soutien a été inestimable. Je suis également très heureux de l’intérêt que le monde professionnel porte, à travers ce prix, au fonctionnement de la justice prud’homale auquel je suis particulièrement attaché.