Agnès Reinhard, experte métier WorldSkills, dévoile le lien profond entre sa carrière d’enseignante en usinage et son rôle dans les compétitions internationales. Dans cette interview, elle met en lumière les compétences essentielles au-delà de la technique, l’importance de la préparation mentale et les défis pour attirer plus de jeunes filles dans les métiers de l’industrie.
Quel lien faites-vous entre votre profession d’enseignante en usinage et votre rôle d’experte métier EuroSkills ?
En tant qu’enseignante depuis près de 20 ans, je constate que la voie professionnelle reste encore trop souvent une orientation subie. Une bonne part de mon travail consiste à redonner confiance aux jeunes. Il faut les convaincre qu’ils ont du potentiel et qu’ils sont capables de faire beaucoup de choses avec leurs mains mais aussi avec leur tête. Les WorldSkills, EuroSkills et tout ce qui les entoure, notamment WorldSkills, La Série, y contribuent en parlant positivement de ces métiers.
Ces événements nous permettent d’observer où les autres pays se situent dans la formation professionnelle, et la place qu’ils accordent aux différents métiers en compétition dans leur société. C’est particulièrement révélateur au sein du pôle industrie.
Les WorldSkills et EuroSkills se gagnent autant, voire plus, sur un plan humain que technique
Selon vous, quelles sont les compétences clés pour devenir un bon compétiteur ?
J’observe que ceux qui obtiennent les meilleurs résultats ne sont pas forcément des compétiteurs dans l’âme. Ce sont plutôt des personnes calmes, posées, réfléchies. Ces compétitions demandent un engagement intense, long et une certaine capacité à gérer la pression. Elles se gagnent tout autant, voire plus, sur un plan humain que technique. Il ne faut pas oublier que l’aventure humaine est beaucoup plus importante que le résultat.
En tant qu’experte, comment préparez-vous l’aspect mental ?
Nous suivons chaque année une préparation spécifique sur cet aspect avec des préparateurs dédiés comme Joël Abati et Patrick Bourbon qui nous donnent des outils pratiques. Ils concernent à la fois notre personnalité et celle des jeunes que nous accompagnons. C’est très utile pour se comprendre et donner aux jeunes une préparation sur-mesure et adaptée.
La mixité dans les métiers industriels aux WorldsSkills, n’est pas un sujet de compétence mais culturel
Cette année, aucune jeune femme n’est présente dans le pôle industrie de l’équipe de France des métiers…
C’est une problématique commune à l’ensemble des pays. Je me souviens d’une compétitrice japonaise venue s’entraîner lors d’une finale nationale. Si elle avait été dans la compétition, elle l’aurait remportée haut la main. Ce n’est pas un problème de compétence, s’il fallait encore le rappeler. C’est un sujet socioculturel qui se traduit encore dans la société et que nous rencontrons dans nos établissements scolaires.
Que dites-vous aux jeunes filles que vous rencontrez lors des portes ouvertes ou les salons de l’orientation ?
Je leur dis qu’il y a de la place pour elles aux WorldSkills et plus largement dans l’industrie. Elles ont même des compétences très recherchées par les entreprises et y sont très bien accueillies. J’explique que les métiers ont fortement évolué et que ce ne sont plus des métiers physiques. Je leur montre qu’avec un gabarit comme le mien d’1m55, on peut très bien réussir dans ces métiers. Toutes les jeunes filles que j’ai eues en formation ont très bien réussi.